Thème : Prospective 1ère publication: 29.11.2020 Dernière mise à jour: 21.03.2023
120 ans d'alertes
Une rétrospective de 120 ans d'alertes
Divers lanceurs d'alerte, souvent de la communauté scientifique, nous alertent sur les menaces majeures que sont la perte de biodiversité, le dérèglement climatique ou l'épuisement des ressources depuis plus de 120 ans.
Une rétrospective chronologique :
1856
Découverte par Eunice Foote de l'effet de serre produit par le dioxyde de carbone atmosphérique. L'article scientifique de Foote intitulé "On the heat in the sun's rays" a été publié dans l'American Journal of Science and Arts en novembre 1856. Suite aux résultats de ces expérimentations elle conclut à l'époque : "une atmosphère de ce gaz [le CO2] donnerait à notre terre une température élevée ; et si, comme certains le supposent, à une certaine période de son histoire, l'air s'y est mélangé dans une plus grande proportion qu'à l'heure actuelle, il en a nécessairement résulté une augmentation de la température par sa propre action ainsi que par l'augmentation de son poids".
Le chimiste suédois Svante Arrhenius prévient dans les années 1890 que les émissions de CO2 d'origine humaine provoqueront un réchauffement du climat. Le ton de son annonce n'est pas alarmiste car les émissions sont à cette époque relativement faibles, et Svante Arrhenius ne peut bien-sûr pas prévoir l'augmentation vertigineuse de ces émissions au cours du 20eme siècle.
Yves Guyot, ancien ministre français des Travaux Publics, indique vouloir communiquer « une étude sur l’action géologique de l’homme » pour le compte de la Société d’anthropologie de Paris. Il déclare : « L’animal subit complètement l’influence du milieu, l’homme change son milieu. Quels sont les effets de ces changements ? Tantôt il améliore le sol sur lequel il agit, d’autres fois il le détruit, ici il anéantit des forêts, là il épuise l’acide phosphorique des sols. Depuis un siècle il fouille les mines avec une activité qu’il n’avait jamais eue. Quel est l’état des changements produits ? Quelle hypothèse peut-on faire sur les changements à venir ? »
► Le plus vieux discours écolo enregistré refait surface (Reporterre - 21 octobre 2021)
1912
Paru le 14 août 1912 dans un quotidien de la Nouvelle-Zélande, cet article affirme que brûler 2 milliards de tonnes de charbon par année émet 7 milliards de tonnes de CO2, ce qui provoque une accumulation de ce gaz à effet de serre et va tendre à réchauffer le climat planétaire.
Guy Callendar, ingénieur vapeur et inventeur anglais développe davantage la théorie qui lie l'augmentation des concentrations de dioxyde de carbone dans l'atmosphère à la température globale : il est le premier à démontrer que la température des terres émergées de la Terre avait augmenté au cours des 50 années précédentes. En avril 1938, Callendar a publié son premier article : "La production artificielle de dioxyde de carbone et son influence sur la température".
► Gilbert N. Plass, physicien canadien, publie cette étude "The Carbon Dioxide Theory of Climatic Change" (La théorie du dioxyde de carbone dans les changements climatiques) :
"Le CO2 supplémentaire libéré dans l'atmosphère par les processus industriels et d'autres activités humaines pourrait être à l'origine de l'augmentation de la température au cours du siècle actuel. Contrairement aux autres théories du climat, la théorie du CO2 prévoit que cette tendance au réchauffement se poursuivra, au moins pendant plusieurs siècles."
► The Carbon Dioxide Theory of Climatic Change - PLASS - 1956
Cette article paru dans le New York Times intitulé : "Le réchauffement du climat de la Terre pourrait être dû à une augmentation du dioxyde de carbone dans l'air" présente les conclusions de Gilbert Plass.
Roger Revelle, un des premiers scientifiques à étudier le passé climatique et à en tirer des éléments prospectifs sur le réchauffement climatique planétaire, coécrit avec Hans Suess un article scientifique suggérant que les émissions de gaz humains pourraient accroître l'effet de serre en réchauffant la planète. Bien que d'autres articles dans le même journal traitent des niveaux de dioxyde de carbone, le papier de Suess-Revelle était « le seul des trois à souligner l'idée qu'une quantité croissante de CO2 est dégagée par la combustion d'énergie-fossile, et pour attirer l'attention sur le fait que cela pourrait causer un réchauffement planétaire".
Le réalisateur Frank Capra réalise un film pour Bell Labs afin d'expliquer les effets attendus du "réchauffement de la planète". Il sera diffusé dans leur émission "The Bell Telephone Hour". Capra était également un scientifique diplômé de l'Institut de technologie de Californie en 1918, et a réalisé de nombreux films scientifiques à des fins éducatives.
► Climate Change 1958: The Bell Telephone Science Hour
1962
► Printemps silencieux (Silent Spring), livre de la biologiste Rachel Carson est publié aux USA. Bestseller, il décrit les impacts des pesticides et analyse la manière dont leur utilisation non contrôlée peut entraîner une mortalité collatérale non seulement chez les animaux, mais aussi chez les humains. Rachel Carson y soutient que les pesticides devraient être renommés biocides, en raison de leur effet létal sur d'autres organismes que ceux ciblés.
1965
Le 5 novembre 1965, un rapport alerte le président américain Lyndon B. Johnson des risques encourus par le climat (rédigé par des scientifiques spécialistes du climat : Roger Revelle, Wallace Broecker, Charles Keeling et Harmon Craig. «À l'échelle mondiale, les polluants ont modifié la teneur en dioxyde de carbone de l'air et la concentration de plomb dans les océans».
Les scientifiques pointent également la responsabilité de l'homme dans les émissions de CO2 et en prévoient l'augmentation dans les décennies à venir.
Conséquences listées par ce rapport : fonte des glaciers, hausse du niveau des mers et de leur température, danger d'acidification des océans. L'utilisation des hydrocarbures à cause de leurs émissions accrues de gaz carbonique dans l'atmosphère est identifiée comme menace.
Quatre jeunes scientifiques du MIT rédigent à la demande du Club de Rome un rapport qu’ils intitulent "The Limits to Growth" : "Les Limites à la croissance (dans un monde fini)" - connu sous le nom de « Rapport Meadows »). Celui-ci devient un best-seller international. Pour la première fois, leur recherche établit les conséquences dramatiques sur le plan écologique d’une croissance économique et démographique exponentielle dans un monde fini. Leur analyse repose sur le modèle « World3 », qui permet une simulation informatique des interactions entre population, croissance industrielle, production alimentaire et limites des écosystèmes terrestres. Le rapport "Meadows" souligne la nécessité de mettre fin à la croissance afin de préserver le système mondial d’un effondrement envisageable selon eux et de stabiliser à la fois l’activité économique et la croissance démographique. Selon les auteurs, plus la prise de décision sera tardive, plus elle deviendra difficile à mettre en place.
Juin 1972 : déroulement du 1er Sommet de la Terre à Stockholm, organisé par l'ONU. Pour la 1ere fois, les questions environnementales et écologiques sont élevées au rang de préoccupations internationales. Le sommet donne naissance au PNUE (Programme des Nations Unis pour l'Environnement).
1974
Le 8 août 1974, le New York Times titre : "les changements climatiques mettent en danger la production alimentaire mondiale". L'article mentionne notamment des sécheresses et canicules constatées aux USA et en Europe, et aussi d'inhabituelles inondations dans diverses régions du monde :
1975
Une étude de Wallace S. Broecker avertit du risque de réchauffement climatique majeur, en lien avec les émissions CO2 en constante augmentation. Il avertit qu'à ce rythme, les températures globales pourraient dépasser celles connues depuis plus de 1000 ans.
Frank Press, directeur du Bureau de la politique scientifique et technologique remet un mémo au Président américain Jimmy Carter intitulé : "Emissions de CO2 et la possibilité d’un changement climatique catastrophique". Extrait : « La combustion de combustibles fossiles a augmenté à un rythme exponentiel au cours des 100 dernières années. En conséquence, la concentration atmosphérique de CO2 est aujourd’hui supérieure de 12% au niveau de la révolution préindustrielle et pourrait atteindre 1,5 à 2 fois ce niveau d’ici 60 ans. En raison de « l’effet de serre » du CO2 atmosphérique, cette concentration accrue entraînera un réchauffement climatique mondial de 0,5 à 5°C. »
Publication du rapport Charney, suite à une étude commandée par la Maison Blanche à l'Académie nationale des sciences américaine, afin de dresser une synthèse des connaissances sur l'impact possible des activités humaines sur le climat : "Depuis plus d'un siècle, nous savons que des changements de la composition de l'atmosphère peuvent changer sa faculté à absorber l'énergie du Soleil" - "Nous avons la preuve irréfutable que l'atmosphère change et que nous contribuons à ce changement. Les concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone augmentent continûment, ce qui est lié à la combustion des ressources fossiles et à l'utilisation des sols. Puisque le dioxyde de carbone joue un rôle significatif dans l'équilibre thermique de l'atmosphère, il est raisonnable de penser que son augmentation continue affectera le climat."
Hélène Guillemot, historienne des sciences [source: CNRS] : "1979 est souvent cité comme une date charnière. Cette année voit en effet la première conférence mondiale sur le climat' à Genève, qui met en place le Programme mondial de recherche sur le climat." - "En 1979, le rapport Charney donne pour la première fois une estimation de l’élévation de température pour un doublement du CO2 atmosphérique, soit 3 °C plus ou moins 1,5, très proche de la fourchette retenue aujourd’hui."
Le 10 décembre, Carl Sagan, scientifique et astronome renommé, avertit le congrès américain du danger représenté par les émissions de gaz à effet de serre.
- "Nous déversons du dioxyde de carbone et d'autres gaz dans l'atmosphère sans nous soucier de leurs effets à long terme et à l'échelle mondiale."
- "Voici un problème qui transcende notre génération particulière. C'est un problème intergénérationnel. Si nous ne faisons pas ce qu'il faut maintenant, nos enfants et petits-enfants seront confrontés à de graves problèmes."
- "Les témoins ont témoigné sur la manière dont l'effet de serre va modifier le système climatique mondial et sur les solutions possibles."
Le journal allemand Der Spiegel titre en août : "la catastrophe climatique".
"Un trou dans la couche d'ozone au-dessus de l'Antarctique, trois records de chaleur globale au cours de la dernière décennie, le plancton des océans comme première forme de vie touchée - tels sont les messages d'alerte des climatologues."
Publication du Rapport Brundtland (titre : "Our Common Future" - Notre avenir commun) par la Commission des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement (WCED), document qui deviendra la conception directrice du "développement durable". Le Rapport Brundtland constate que les problèmes environnementaux planétaires les plus graves sont essentiellement dus à la grande pauvreté qui prévaut dans le sud et aux modes de consommation et production non durables pratiqués dans le nord. Il demande une stratégie qui permette de conjuguer développement et environnement.
► Rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement
de l’ONU, présidée par Madame Gro Harlem Brundtland (avril 1987)
1988
Le 24 juin 1988, à la Une du New York Times, l'avertissement d'un expert au sénat américain. James E. Hansen, expert en climat travaillant à la NASA, déclare être à 99% certain que le réchauffement climatique constaté est dû aux émissions de CO2 d'origine humaine.
L'accumulation de gas à effet de serre décrite en détail dans cet article de 14 pages du magazine Discover (octobre 1988).
► When Global Warming Became News: 1988
Cette même année : création du Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).
1992
En novembre, plus de 1700 scientifiques, dont de nombreux lauréats du prix Nobel signent un avertissement à l'Humanité : les activités humaines provoquent d'après eux des dommages irréversibles à l'environnement et aux ressources critiques, soulignant les risques qui pèsent sur l'avenir des sociétés humaines. Sont abordés dans cet appel mondial : l'état de l'atmosphère, des ressources en eau, des océans, des sols, des forêts et la chute de la biodiversité.
Juin 1992 : déroulement du Sommet de Rio (conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement). Adoption d'un texte fondateur intitulé « Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement », qui précise le concept de "développement durable". Un programme d'action, appelé "Action 21" (ou Agenda 21), est également adopté.
2004
Publication par l'IGBP du rapport "Changement planétaire et système terrestre". "Les activités humaines sont désormais si répandues et si profondes qu'elles modifient la Terre d'une manière qui menace le système de soutien de la vie dont les humains dépendent. Ce livre décrit ce que l'on sait du système terrestre et de l'impact des changements causés par l'homme."
Une alerte mondiale est lancée par plus de 15.000 scientifiques de 184 pays, au sujet du dérèglement climatique et de l'effondrement de la biodiversité. Le journal Le Monde publie cette Une historique :
Le 14 avril 2018, David Buckel, 61 ans, célèbre avocat américain s'immole dans un parc de New York pour dénoncer l'utilisation des énergies fossiles, la gravité de leurs pollutions et le dérèglement climatique. Ce jour-là, il indique dans sa lettre : «La plupart des humains sur la planète respirent maintenant un air rendu insalubre par les carburants fossiles et beaucoup, en conséquence, mourront prématurément - ma mort prématurée au moyen d'un carburant fossile reflète ce que nous sommes en train de nous faire à nous-mêmes»
Août 2018 : publication d'une étude des trajectoires climatiques possibles, dont un scénario de "terre étuve" : "Nous étudions le risque que des rétroactions auto-renforcées poussent le système terrestre vers un seuil planétaire qui, s'il est franchi, pourrait empêcher la stabilisation du climat à des températures intermédiaires et provoquer un réchauffement continu sur une trajectoire de "Terre étuve", même si les émissions humaines sont réduites."
Aussi en août 2018, la militante suédoise Greta Thunberg débute sa «grève de l’école pour le climat». Elle donne ainsi naissance au mouvement "Fridays for future".
2019
Suite au rapport de l'IPBES, la Une du journal le Monde le 7 mai 2019.
La Une du magazine "La Recherche" sur l'effondrement de la biodiversité.
Le mouvement des grèves pour le climat, lancé par Greta Thunberg, dépasse les 4 millions de manifestants, battant le pavé chaque vendredi dans environ 150 pays pour réclamer des mesures pour la protection du climat.
2020
Septembre 2020 : suite aux incendies massifs en Californie, le Los Angeles Times titre : "l'apocalypse climatique de la Californie"
Le même mois, une étude avertit que le poids de la totalité des constructions humaines (appelée anthropomasse) aurait dépassé le poids de la biomasse mondiale.
Avril 2021 : appel urgent à l'action lancé par 103 lauréats du prix Nobel après le sommet "Notre planète, notre avenir".
"L'habitabilité future de la Terre pour les sociétés humaines dépend des actions collectives que l'humanité entreprend maintenant. Il est de plus en plus évident qu'il s'agit d'une décennie décisive (2020-2030). "
Juillet 2021 : avertissement des scientifiques du monde entier concernant l'urgence climatique en 2021.
Article du World Scientists’ Warning (11000 scientifiques du monde entier) : sur 31 indicateurs vitaux planétaires, 18 ont empiré ces deux dernières années.
"Sur la base des tendances récentes des signes vitaux planétaires, nous réaffirmons la déclaration d'urgence climatique et appelons à nouveau à un changement transformateur, qui est plus que jamais nécessaire pour protéger la vie sur Terre et rester dans autant de frontières planétaires que possible. La vitesse du changement est essentielle et les nouvelles politiques climatiques devraient faire partie des plans de relance COVID-19. Nous devons maintenant nous unir en tant que communauté mondiale avec un sentiment partagé d'urgence, de coopération et d'équité."
Avril 2022 : le Bureau des Nations unies pour la réduction des risques de catastrophes publie son rapport d'évaluation globale. L’ONU relève que les catastrophes découlant du changement climatique induit par l’homme - et d’une sous-estimation des risques, qui conduit à une action inadéquate - vont se multiplier rapidement.
La publication est accompagnée du hashtag #StopTheSpiral (stopper la spirale de destruction).
"Si les tendances actuelles se poursuivent, le nombre de catastrophes par an dans le monde pourrait passer d'environ 400 en 2015 à 560 par an d'ici 2030."
Graphique : augmentation des catastrophes mondiales de moyenne et grande ampleur
Avril 2022 : une étude sur le cycle de l'eau douce affirme qu'une 6eme limite planétaire a été dépassée. Le cycle d'une partie de l'eau douce a été transgressée par les activités humaines et leurs impacts.
► A planetary boundary for green water (nature.com - 26 avril 2022)
Juillet 2022 : longue canicule et sécheresse en Europe. Plusieurs records à plus de 40°C tombent en Grande-Bretagne et font la Une de la presse.
2023
Mars 2023 :
Suite à la sortie d'une synthèse des travaux du GIEC, le journal Le Monde titre : "Climat - Le GIEC lance l'appel de la dernière chance".
Avril 2023 : d'après l'EDO (Observatoire Européen des Sécheresses), 26,6% du territoire de l'UE est en état de sécheresse début avril ("Warning" : déficit d'humidité du sol) et 1,4% en état d'"alerte" (sécheresse importante avec stress de la végétation).
Contributions à cette page, propositions d'ajouts :
Merci à JM.Poggi