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      Thème : Constat
      1ère publication: 22.07.2023       Dernière mise à jour: 22.07.2023

Le coût en mortalité des émissions carbone

4434 tonnes de CO2 émises entraîneront en moyenne un décès supplémentaire lié au climat

Une étude de 2021 sur le CMC (coût en mortalité du carbone, ou en anglais : MCC, mortality cost of carbon) chiffre l'impact de nos émissions CO2 en terme de vie humaine, à moyen terme.

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Illustration : trafic aérien au-dessus de l'Europe le 22 juillet 2023, vers 18 heures, pendant la rédaction de cet article (source : FlightRadar24)

"The mortality cost of carbon", une étude de R. Daniel Bressler


Cette étude publiée le 29 juillet 2021 dans la revue Nature Communications s'appuie sur divers domaines de recherche pour déterminer le nombre de vies qui seront perdues en raison de la hausse des températures si l'humanité continue à produire des émissions de gaz à effet de serre à un rythme élevé - une façon de nous montrer combien de vies pourraient être sauvées en réduisant ces émissions dès que possible.

The mortality cost of carbon (Nature Communications - 29 juillet 2021)

Extrait de cette étude, 2 graphiques chiffrant le nombre de décès supplémentaires imputables aux émissions de gaz à effet de serre d'un citoyen d'un des pays listés.

mortalité imputable aux émissions de GES par habitant

- Cela signifie que les émissions d'un américain moyen (1 276 tonnes) au cours de sa vie entraînent une surmortalité de 0,29 (émissions cumulées à partir de 2020) : les émissions à vie de 3,4 américains suffisent à provoquer un décès supplémentaire.
- Les émissions d'un indien moyen (127 tonnes) entraînent une surmortalité de 0,03 (émissions cumulées à partir de 2020) : ainsi les émissions à vie de 33 indiens provoquent un décès supplémentaire.
- Moyenne mondiale : les émissions d'une personne dans le monde (347 tonnes en moyenne) entraînent une surmortalité de 0,08 : les émissions à vie de 12,5 personnes, en moyenne mondiale, provoqueront un décès humain supplémentaire.

L'auteur de l'étude s'appuie sur les travaux de William Nordhaus, lauréat du prix Nobel, premier à déterminer ce que l'on appelle le "coût social du carbone" (CSC), un outil économique permettant de mesurer les dégâts causés à la planète par chaque tonne supplémentaire d'émissions carbone.

Extraits de l'étude :

"Dans ce document, nous avons introduit une mesure : le MCC. Cette mesure est utile pour calculer les effets marginaux des émissions sur la mortalité. Nous avons montré que dans le scénario d'émissions de référence DICE, qui entraîne un réchauffement de 4,1 °C d'ici 2100, l'estimation centrale du MCC est significative. Elle implique que l'ajout de 4 434 tonnes métriques de dioxyde de carbone en 2020, soit l'équivalent des émissions moyennes de 12,8 habitants de la planète ou de 3,5 Américains au cours de leur vie, provoque un décès supplémentaire au niveau mondial entre 2020 et 2100."

"Au total, nous constatons qu'il y a 83 millions de décès excédentaires cumulés projetés entre 2020 et 2100 dans l'estimation centrale du scénario d'émissions de référence DICE. D'ici la fin du siècle, les 4,6 millions de décès annuels excédentaires projetés placeraient le changement climatique au 6e rang sur la liste des facteurs de risque de la charge mondiale de morbidité de 2017, devant la pollution de l'air extérieur (3,4 millions de décès annuels excédentaires) et juste en dessous de l'obésité (4,7 millions de décès annuels excédentaires)."

"Cela signifie que la réduction (l'augmentation) des émissions d'un million de tonnes de dioxyde de carbone en 2020 sauve 226 vies (cause 226 décès excédentaires) entre 2020 et 2100 dans le scénario des émissions de référence. Un million de tonnes métriques correspond à peu près aux émissions annuelles moyennes de 35 avions de ligne, 216 000 véhicules de tourisme et 115 000 foyers aux États-Unis. Le MCC implique que la suppression (l'ajout) d'une année d'émissions de dioxyde de carbone d'une centrale électrique moyenne au charbon aux États-Unis en 2020 sauve 904 vies (cause 904 décès en excès) entre 2020 et 2100."

"Notre estimation centrale du CMC (coût en mortalité du carbone) pour 2020 implique également que la réduction (l'ajout) de 4434 tonnes métriques de dioxyde de carbone en 2020 permet de sauver une vie (cause d'une surmortalité) dans le monde entre 2020 et 2100. En tout, 4434 tonnes métriques équivalent aux émissions de 3,5 Américains moyens, 146,2 Nigérians ou 12,8 habitants du monde entier."

vague de chaleur 2022 Inde Pakistan Bangladesh
Carte de la vague de chaleur en 2022 sur l'Inde, le Pakistan et le Bangladesh. Certaines villes frôlaient ou dépassaient les 50°C.


Le coût social du carbone (CSC) et ses estimations très variées


Le coût en mortalité du carbone présenté ici reste un indice peu connu et peu utilisé : le CSC (ou coût social du carbone) est bien plus répandu et sert de référence au sein des politiques climatiques de nombreux pays. Le modèle Nordhaus ou "Dynamic Integrated Climate-Economy" (DICE) cité dans l'étude évalue le coût social du carbone à environ 37 dollars par tonne métrique.
L'administration Obama estimait ce coût à 50 dollars la tonne, puis l'administration Trump l'a ramené à... 1 dollar.
L'administration Biden, elle, a travaillé aussi sur son propre coût social du carbone, à présent fixé à 51$, proche de celui d'Obama.
Dans son article, M. Bressler a intégré à la dernière version du modèle DICE des recherches récentes en matière de santé publique qui estiment le nombre de décès excédentaires imputables à l'augmentation des températures. Le modèle étendu qui en résulte donne un chiffre de 258 dollars par tonne métrique.
L'EPA (Environmental Protection Agency) en 2022 a proposé d'évaluer ce coût à 190$.

Le CSC reste néanmoins très critiqué, notamment car il n'intègre pas ou partiellement tous les impacts du dérèglement climatique et les durées extrêmement longues de ces impacts (siècles voire millénaire).



Remarquons que cette étude se limite à la mortalité humaine engendrée par la perte de stabilité climatique, sans aborder le sujet des pertes en vies animales, dont les chiffres de surmortalité sont bien plus élevés encore. L'impact seul des méga feux sur la vie animale depuis le début du 21e siècle est immense.

3 milliards d
Image et titre de Futura Sciences, suite aux incendies gigantesques qui ont frappé l'Australie en 2020

dôme de chaleur canadien un milliard d
Image et titre de la RTBF, concernant l'hécatombe d'animaux marins lors du dôme de chaleur en 2021, qui a produit des températures proches de 50°C


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